La magie du sourire
J’allais, j’avançais, je me déplaçais aussi vite que je pouvais, je ne restais pas en place. La vie m’avait si chahutée que je ne pouvais supporter le poids de cette solitude feutrée qui s’était abattue sur moi.
Je devais agir, des tâches titanesques m’incombaient, personne pour m’aider, mais je me déplaçais un pas après l’autre.
Parfois je priais, parfois je riais, de moins en moins souvent je pleurais, cela ne sert à rien de pleurer, qu’à creuser des sillons sur nos visages et rouvrir les plaies de l’âme.
J’espérais dans ma prison dorée, je rêvais du bel inconnu que je pourrais séduire, en affichant des sourires sur nos lèvres, on attire plus les hommes qu’en montrant pâle figure.
Quand on sort dans la rue, un sourire en appelle un autre et mon cœur s’habillait de rose dès que mon sourire était rendu, que ce soit par un enfant ou une femme courbée par les ans.
Mes multiples occupations m’entraînaient soit sur des pentes neigeuses soit sur des chemins rocailleux, mais toujours joyeuse, je dévalais les pistes ou entraînais mes pieds à sautiller d’un caillou sur l’autre ou encore je baignais mon corps dans l’eau de l’océan.
Je servais les mendiants d’amitié, je méditais en groupe ou apprenais en reprenant des études.
Mes amies aimaient venir déguster chez moi des petits plats arrosés de champagne.
Je me faisais souvent inviter à prendre un thé ou à partager un repas. Mais cette solitude de l’âme me collait à la peau, l’Amour s’était enfui et je n’arrivais pas à me résoudre à passer les dernières années de ma vie de femme, seule, sans un compagnon de route. Plusieurs messieurs me regardaient avec envie mais je ne me voyais pas voyager avec eux.
Avant son bouleversement la vie m’avait choyée, un bon métier, une famille, un bel homme attentionné, assez d’argent pour vivre, un corps sportif, un visage avenant. Alors, quand on a mangé des ortolans, comment se contenter de gruau ?
Un jour, dans une période encore plus perturbée, j’ai dû détruire le manoir que mon père avait construit, le vider et partir, à bout de forces, si désespérée que j’étais comme anesthésiée par la douleur, plus rien n’avait d’importance.
En même temps, je détruisais et je reconstruisais, emportant avec moi des trésors qui, pour d’autres, n’auraient été que de vieilles guenilles.
Je vendais dans un bric-à-brac des reliquats de la vie de ma famille, quand, soudain, je vis un regard attentif, un visage lisse, des yeux magnétiques sur une stature de colosse.
Il passait des airs de musique anciens qui dataient de ma jeunesse c’était son hobby, acheter et vendre des vinyles ; or, mes parents défunts avaient fait leur fortune dans les disques. Mon père, sans doute voyant ma tristesse sur terre, du haut de son nouveau lieu de vie, avait-il fomenté cette rencontre.
J’ai osé lui parler : il m’a demandé si j’aimais le champagne, surprise, j’ai répondu oui sans penser que ce oui m’entraînerait sur des chemins de traverse.
Aujourd’hui, je vis au jour le jour, j’apprécie les moments passés ensemble : je ne demande rien, tout m’enchante, une promenade dans les bois des collines où je vis, un repas partagé, un bal costumé, un verre dégusté, des pensées échangées, des caresses câlines.
Simple est la vie, si on n’en demande pas trop.
Divine