Le baroudeur
Tout petit garçon, déjà, il aimait dans le noir, contempler la lune et les étoiles.Curieux de tout, il voulait voir de l’autre côté de la butte, ou du talus.
Explorer les contrées du village. Connaître les arbres, les plantes, les animaux sauvages.
Faire, avec du plâtre, les empreintes des pas aux abords des trous d’eau.
Allumer du feu et dormir à la belle étoile
Ado, il était surnommé le Mavrik, le nom qu’on donne, dans les ranchs, au veau qui a échappé au marquage.
Faire de grandes balades en moto. Il était citoyen du monde. Sans attaches profondes, en surface.
Au fond, bien caché, c’était différent. S’il a fait plusieurs fois le tour du monde, il n’a guère envoyé de cartes postales.
L’aventure, la vraie, celle qui prend les tripes, celle qui vous entraîne à vivre vos rêves, c’est quand il a eu dix-huit ans qu’elle l’a pris dans ses griffes.
Une descente, vers le sud, le soleil, en stop, avec le sac à dos. Puis l’Espagne, la flûte, la « manche »
Et au bout du bout, la mer. Des bateaux, il n’en avait pas vu, dans la plaine de Troyes. Mais, du bout du pied, il s’est fait inviter par la grande bleue. Arrivé aux Caraïbes, l’aventurier avait le cœur marin et quelques notions glanées de-ci de-là. Puis sa rencontre avec le Soyonara, magnifique voilier, et son capitaine caractériel fut un tremplin. D’escale en escale, le monde s’offrait à lui.
Les vagues caressantes ou engouffrantes l’envoûtaient. Mais la vie était dure, sur ce bateau, fleuron d’une époque. À Sète, la formation de patron de la voile lui permit de devenir patron à son tour.
Le travail ne manquait pas, il rencontra quelques démons et quelques coups de blues pendant ses nombreuses traversées. Puis vint l’envie de se poser. La Réunion l’accueillit. Il devint propriétaire terrien, construisit des gîtes pour les touristes. Puis cette terre d’accueil devint son tombeau. À quarante-neuf ans, son parcours s’arrêta net.
Cet aventurier baroudeur… c’était mon fils.
Margo