Extraits

Bien mal acquis ne profite jamais…

La maman venait à peine de tourner le coin du pâté de maison, surveillée du coin de l’œil par sa fille.
Jugeant avoir le champ libre, la gamine se précipita vers la boîte en fer où se cachaient quelques modestes pièces… une envie irrésistible de caramel lui tenaillait le ventre !

Sa petite main habile se faufila sous le couvercle, extirpant une pièce de cinq centimes.

Le café-épicerie du village était à un pas qu’elle franchit en un temps record.
Voulant prendre les devants pour gagner du temps sans attendre l’arrivée de la patronne, elle tendit le bras vers les bocaux de verre alignés sur l’étal, se jucha sur la pointe des pieds et tendit le bras vers le large couvercle qu’elle dévissa de ses deux mains.

Après l’avoir posé délicatement, comme une petite fille ordonnée qui semble avoir tout prévu… la petite main repartit vers le grand col ouvert où tant de caramels s’offraient à elle et à sa gourmandise.
Mais, au moment où elle allait se saisir d’un précieux bonbon entre le pouce et l’index, elle ne saura jamais par quel coup du sort les autres doigts ne purent retenir la pièce qui… tomba dans le bocal.

« Que fais-tu ici ? », s’enquit une grosse voix dans son dos.

La grosse dame, propriétaire de l’épicerie, était entrée sans bruit, dandinant péniblement son gros ventre qui la devançait et qui, à en juger par le volume en mouvement, devait bien contenir plus de trente kilos de caramel !

Surprise en pleine action, la gamine bafouilla, les mots se précipitèrent dans une explication inaudible qui ne suffit pas à justifier la main dans le bocal, ni le fait que le désir était plus fort que l’attente.

« Viens avec moi, on va voir tes parents… » La petite fille, qui a maintenant quatre-vingt-dix ans, a, bien sûr, oublié la correction mais néanmoins bien retenu la leçon, toute sa vie durant :

Garde-toi bien de ne jamais payer avant d’avoir été servie !

Serge